BurnOut : çà y ressemble, tout y est sauf…

Une situation qui ne peut plus être falsifiée, les protocloes sont clairs et les médecins en disposent

Situation 9

Ça y ressemble, tout y est sauf que… Sarah, 44 ans, en couple et sans enfant

L’employeur de Sarah est un des fournisseurs d’un grand magasin et il l’emploie comme démonstratrice.

Sarah : Mon activité touchait la vente de vêtements de marques et j’avais deux stands sous ma responsabilité. Dès la prise de poste, je gérais seule. Pourtant, il y avait une obligation imposée par le magasin qui consistait à avoir deux démonstratrices par stand. L’ouverture se faisait de 9 h 30 jusqu’à 19 h de 2005 à 2008. Puis il fut question d’ouvrir une heure de plus chaque soir. Mon contrat de travail précisait la fermeture et la fin de l’activité à 19 h. Le magasin général transforma l’amplitude de 9 h 30 à 20 h, six jours sur sept. Pourtant, je faisais 35 h/semaine sur 5 jours. La situation était déjà tendue mais là, il y eut une aggravation notable.

Je sollicite alors le siège social pour qu’il m’attribue un remplaçant. De son côté, l’employeur certifiait avoir signé un partenariat avec le magasin structure, pour qualifier les démonstratrices aux remplacements. Seulement, c’était faux. Mes collègues déclaraient aussi ne pas pouvoir travailler pour un autre prestataire sans être déclarées et payées.

Cet employeur par le « ne pas dépenser et gagner plus », par son business grâce au salaire à bas coût, le moins de personnel possible… Par sa stratégie du toujours plus, cet employeur m’a laissée seule et vulnérable. Il répondait à mes sollicitations de cette façon : « Je vous ai toujours payé votre salaire. Où est votre problème ? »

Lorsque j’ai rencontré les syndicats pour leur exposer ma situation tendue, ils me répondent ce que m’ont déjà dit mes collègues. Les délégués expliquent aussi que les longues maladies ne sont pas remplacées, ni les mi-temps thérapeutiques, ni les licenciements. Ils constatent le sous-effectif.

J’ai renseigné les clients pendant quatre ans, « Tu n’as pas à le faire sans être payé ! » Me répétaient mes collègues.

Je me retrouve en arrêt de maladie et en tant que déléguée suppléante, mon employeur doit demander une autorisation à l’inspection du travail. Je suis convoquée à l’autre bout de la France alors que les syndicats confirmèrent que l’inspection aurait dû se dérouler près de mon travail.

L’inspecteur m’explique qu’il doit autoriser ou pas mon licenciement et je suis là pour présenter ma version des faits. Je me sens accusée mais je relate la situation et au final, l’inspection du travail rendra sa décision en délibéré : elle refusera.

Par la suite, les pressions et les conditions de travail s’aggravent, la direction me met sous surveillance. Ma responsable en arrivait à se cacher derrière les espaces fermés pour me contrôler. Un jour, cette même direction se déplaça à trois personnes pour vérifier mon comportement. Que faire dans cette situation ? Et voilà que tout le monde y va de son commentaire, j’en redeviens le centre ! Les responsables envoyèrent un courriel à mon employeur en manifestant leur mécontentement. S. B. : Y a-t-il eu des répercussions sur votre santé ?

S. : Ce mal-être et le malaise physique ont commencé en 2008, surtout après le déménagement et la séparation de mes deux stands (l’un à un étage et l’autre à un autre). La hiérarchie m’annonce que je dois poursuivre les mêmes efforts et répondre aux mêmes règles (ne pas laisser un stand sans vendeuse). C’est comme si l’on me tirait encore plus bas !

S. B. : Avez-vous dû arrêter de travailler ?

S. : Oui, je me suis arrêtée juste un peu avant ma mise en longue maladie. Le médecin avait déjà signalé la dépression. Avant, j’étais rarement malade mais la fatigue s’était accumulée et mes collègues me disaient : « Fais attention ! D’autres l’ont fait avant toi, le jour où elles arrêtaient, l’employeur du magasin structure envoyait des relances à leur patron. » Je n’y croyais pas mais pourtant, les démonstratrices qui refusaient de « dépanner », étaient incitées à partir. Moi qui avais fait tous mes efforts pour rester une employée attentive ! Et puis, la situation était équivoque, les syndicats précisaient que je n’avais pas à renseigner les clients des concurrents, cela n’était pas inscrit dans mon contrat de travail, ce qui aurait donc pu devenir une faute !

S. B. : Que pensez-vous de votre motivation salariale par rapport aux charges cumulées au fil des années ?

S. : Il y avait de plus en plus de tâches mais pas d’augmentation car j’étais rémunérée sur la base du smic avec des primes sur les ventes. Ici, mon employeur me demandait chaque année des chiffres supérieurs alors que, nous ne vendions plus qu’aux étrangers. S. B. : Les syndicats étaient-ils ceux du magasin général ou bien étaient-ils en dehors ? S. : Ils siégeaient dans le magasin structure. Ils devaient veiller à la santé, à la sécurité des salariés et aux conditions de travail mais aussi au bon fonctionnement des remplacements !

Sarah se laisse aller à des ressentis qui sont un stress d’atteinte morale, elle parle des Etats-Unis. Les syndicats, l’inspection du travail et le tribunal ont statué sur sa situation. Ce qui suit va donner le sens d’une émotion encore vive alors que cette femme est protégée puisqu’elle n’est plus dans l’entreprise et que des soins sont organisés. Le stress, les chocs sont présents, ils ont touché un « sacré » qu’est la patrie et Sarah continue, en mettant encore en regard les Etats-Unis. S. : Là-bas, on trouve facilement et on est facilement licencié, mais au moins il y a du travail. J’avais la chance d’avoir eu un temps plein chez un seul employeur et d’ailleurs, lorsque ce n’est pas le cas, on cumule deux, voire trois temps partiels, pour obtenir un salaire possible.

Sarah et moi-même constatons que lors de conflits sérieux entre un employeur et un salarié, il faut mobiliser beaucoup de personnes. Il est bien question de mettre en valeur des modalités plus courtes et moins onéreuses en relations humaines, en temps, en productivité et en argent.

Nous abordons ensemble l’arrêt de travail, les soins et les démarches.

S. : Je recherchais un psychiatre pour me reconstruire et finalement, j’ai trouvé un coach qui gérait le burn-out. Alors, je suis allée au Pôle-Emploi pour un financement. Ils m’ont répondu ne pas connaître le burn-out et qu’ils permettent les formations métiers et pas autres choses. S. B. : Le Pôle Emploi vous a fait une bonne réponse, il propose un bilan de compétences qui installera votre remise en place sur le marché du travail mais cela ne déblayera pas le stress dont vous souffrez. S. : Je n’ai pas envie de revivre cette expérience. Qu’on me parle de travail mais pas d’emploi car pour moi, derrière ce mot, il y a maltraitance.

Une inspectrice du travail a précisé à Sarah que l’employeur n’avait pas payé les quatre années de maladie dont dix-huit mois d’invalidité parce que son syndrome d’épuisement n’a pas été reconnu comme maladie professionnelle. Elle insiste sur le fait que les médecins doivent faire le nécessaire pour qu’un dossier viable soit déposé à la caisse d’assurance maladie et pour qu’il passe en commission de reconnaissance. L’ensemble est « tombé » sans information préalable et nous constatons que certains droits ont été supprimés par le manque de respect des délais ou des procédures. S. : J’ai rencontré des gens qui ont fermé leur cœur, dans mon parcours. Tout au début, ne connaissant pas le métier, je venais à 8 h pour me former moi-même. Les conditions de travail m’ont démotivée…

Sarah annonce sa récente opération des pieds par l’obligation de porter des chaussures fermées avec un minimum de 5 cm de talon. C’est plutôt la fermeture des chaussures qui a engagé l’intervention, d’après ce qu’en a dit le chirurgien, le frottement a eu pour conséquence la déformation des orteils.

Puis Sarah évoque qu’au final, elle a deux employeurs. Les syndicalistes sont lucides sur ces pratiques mais ils n’ont pas de réponses.

S. : Il faut que les démonstratrices soient éclairées car dès qu’il y a une première acceptation, cela se normalise par la relation de subordination qu’entraîne un service ou un emploi. On y inclut des références à la peur, au harcèlement et d’autres notions difficiles à vivre sous pression, tous les jours… Lorsque le magasin structure observait que les chiffres n’étaient pas bons, la direction sollicitait les stands pour une opération exceptionnelle à mettre en place en urgence, cela est tout une organisation. Et il y avait les apprenties qui gardaient parfois le stand. Seulement, les jeunes filles n’étaient pas toujours là, non plus. S. B. : Je remarque un cumul de tâches stressantes et des occasions floues, non ? S. : Missions floues et contradictoires !

Nous échangeons sur les conditions de réassort des stands et sur les multiples obligations (absences, disponibilité face aux clients, gestion du risque de vol ou de détérioration, course dans l’ascenseur et les couloirs…). Puis je reviens sur les apprenties et les stagiaires en tutorat. Elles étaient intégrées au contrat de travail de Sarah par un avenant et elles furent au nombre de six, au fil du temps. Les syndicats firent la remarque que les apprenties se trouvaient à un étage et que la démonstratrice/tutrice, à un autre. Comment était-ce compatible pour un apprentissage obligatoirement encadré ? S. : Chaque mois, ma société m’envoyait les objectifs et les chiffres augmentaient d’année en année. Ils étaient atteints grâce aux clients d’origines chinoises, qataries ou saoudiennes. Les clients chinois regardent les articles sous toutes les coutures et leur niveau d’exigence est absolu. Même mes collègues redoutaient leur arrivée, ne sachant pas combien de temps ils monopoliseraient leur stand.

Sarah repart sur un autre sujet. Une dame du Pôle Emploi lui a rappelé que les allocations de chômage ne sont pas pour rester sans emploi. J’indique que sa reconnaissance de travailleur handicapé est sans autorisation de travail. Sarah enchaîne sur ses recherches d’avocats et son point d’achoppement reste sur sa reconnaissance. Elle constate que l’on ne respecte pas les engagements signés et cela la tracasse par rapport aux contraintes qu’on lui a imposées et le résultat dans sa vie. S. : Lorsque l’employeur aura reconnu sa faute, je serai en mesure de me reconstruire. Les derniers moments, je me sentais comme vide de l’intérieur et tellement faible que le matin au réveil, je n’arrivais pas à me tenir sur mes pieds, j’avais des crises de larmes. Le diagnostic principal du médecin traitant fut un syndrome dépressif. Au début je ne savais pas ce qui m’arrivait. Par les trois renvois de procédure puis la prolongation durant quatre années, je compris enfin : épuisement par le travail !

S. B. : Il n’y a pas eu relai d’informations médicales par le médecin psychiatre ou le psychologue ?

S. : Non, rien de tout ça. Et maintenant, le médecin qui a reconnu le syndrome dépressif me dit que j’aurai dû me déclarer auprès de lui en burn-out.

Sarah explique le coût financier de ses arrêts de travail, les frais de justice ainsi que les déplacements qui la mettent dans une situation très compliquée. Elle n’arrive plus à se vêtir « normalement ».

S. : Durant quatre ans, j’ai glissé tout doucement dans l’épuisement. Certaines nuits, je ne dormais qu’une heure pour arriver épuisée au magasin. Je mangeais un repas par jour et pour mon aspect physique, tout était corvée. Après le refus de l’inspection, le harcèlement s’est amplifié mais je ne faisais pas le rapprochement entre la profession et mon épuisement.

Mon constat est que Sarah répète sans cesse les évènements tels qu’ils passent dans son esprit et elle n’a aucun détachement face à sa situation.

Sur le lien de subordination à l’employeur dont parle Sarah plus haut, j’ai reçu des témoignages qui m’inquiètent sur nos mentalités car il arrive également que les employés n’aient pas toujours un comportement décent en milieu professionnel et il est nécessaire de l’écrire quelque part. Pour protéger les employeurs, il ne me semble pas à propos de les évoquer dans le détail. Pourquoi protéger un employeur, si la question se pose ? Parce qu’il est encore le garant d’un salaire, d’un travail, d’une relation aux autres et le tout dans un bien de productivité essentiel à une nation, une région, un lieu et une famille ou un individu. L’employeur, l’instituteur, le notaire… Evoquons à côté du mot subordination, celui de l’autorité pour établir que les deux sont en lien.

Aucun employeur n’est à l’abri de subir cet épuisement, aussi. A cette heure, je ne chiffre pas avec exactitude les mauvaises performances employeurs/employés en matières relationnelles. L’échantillon est trop aléatoire pour se prononcer raisonnablement car cela poserait des problématiques supplémentaires par inexactitude. Le but de cet ouvrage reste l’information favorisant un équilibre par de nouvelles dispositions plus ajustées.

Un traumatisme psychique est un sujet grave et même exceptionnellement grave car l’atteinte morale est aussi lourde dans une vie, qu’une atteinte physique. J’observe également dans les relations sociales ou sociétales, des déséquilibres. Une culture de la concurrence mais aussi une habitude au « caprice » et à la rupture s’installent ! Que fait-on dans ce contexte ? On vit dans la violence, l’humiliation, les tromperies et le mensonge, sans que personne n’y trouve à redire puisque cela fait partie d’une identification de personnalité et/ou de culture. Mon opinion est posée comme un constat. Maintenant, être juge des intentions n’est pas non plus le but de cet ouvrage. Il a pour vocation de rétablir un lien possible entre tous.

Le handicap J’interpelle sur la notion de handicap par incohérences interrelationnelles ! Et ici, avec Sarah nous parlons de situation face à l’employeur mais je vous invite à croire que mes sources sont nombreuses dans d’autres domaines. Les principales origines se tiennent dans l’intention et nous sommes dans une pagaille de la confiance ! Les guerres psychologiques agitent toutes les tendances visibles de nos sociétés françaises, européennes et mondiales, tout le monde le dit ou presque. Parle-t-on de « dégradations de sociétés » ? En tout cas, c’est la première fois que l’on positionne une maladie morale et physique (Le B.O.), aussi longue dans les perspectives de soins. On y ajoute le nombre de malades et l’aléatoire de guérison.

Et si l’on parlait du syndrome d’épuisement de la France, celui qui la vide de l’intérieur ? Oui ! Qui fait crouler le moindre acte sous une multitude de procédures inutiles et à contresens ? Même pour poster une lettre, cela peut devenir une épreuve !

Extraits « Le syndrome d’épuisement » Sylvie BRIERE, auteure. Livre en occasion uniquement.

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