Témoignage
Les effets à moyen terme de l’alcoolisme
Souvent, on évoque les effets néfastes de l’alcoolisme de court terme ou ceux qui paraissent les plus évidents, comme les tremblements, la polynévrite mais aussi le surendettement, la séparation de couple, le licenciement… Il faut bien sûr continuer en ce sens afin de prévenir des risques liés à la consommation excessive et continue de l’alcool, toutefois, il reste important de réaliser une information sur les effets à moyen et/ou long terme de l’alcoolisme et c’est l’objet de mon témoignage.
Qu’est-ce que l’alcoolisme selon moi
Définissons rapidement le terme « alcoolisme ». Il s’agit bien d’une habitude irrépressible qui consiste à consommer régulièrement ou irrégulièrement de l’alcool en quantité suffisante ou être dépendant de cette consommation.
L’abstinence
J’ai 60 ans et je suis abstinent depuis 18 ans environ. Allen Carr disait sur le tabagisme « C’est facile d’arrêter de fumer ; le plus difficile est de ne pas reprendre une cigarette ». On pourrait dire la même chose sur l’alcoolisme. Arrêter de boire est facile, le plus difficile reste de ne pas reprendre un premier verre après le sevrage.
Libération
Je me suis libéré de cet esclavagisme depuis le 13 juin 2006. Je me souviens de la date exacte du dernier verre mais je ne peux pas dire quand a commencé l’addiction car il y a une période plus ou moins longue de déni. Cette période semble commune à tout addict bien que variable selon les malades alcooliques.
Tout devait aller mieux
Tout allait relativement bien physiquement et psychologiquement depuis l’arrêt total de mon addiction à l’alcool. J’avais retrouvé un travail plaisant, j’étais dans une meilleure maîtrise et mon entourage avait repris confiance en moi. Or, des difficultés de « marche » ont commencé en septembre 2021. Il m’était difficile de faire plus de 200 mètres à pied….puis 100 mètres, 50 mètres jusqu’à ne plus pouvoir marcher du tout. De fortes douleurs m’empêchaient de me mouvoir.
Quelle en était la cause ?
Il est nettement préférable de se référer aux professionnels de santé. Je n’ai aucune formation médicale et j’ai donc consulté afin d’éviter toute hypothèse infondée qui auraient pu nuire à mon équilibre psychologique tellement mis à mal durant ma période de dépendance alcoolique.
La pandémie Covid-19 et le vaccin ont vite été évincés des suspicions de mon nouvel état de santé dégradé. Il y a quatre ans, les médecins me diagnostiquèrent un diabète de type 2, était-ce la cause de toutes ces douleurs lors de la marche ?
On me fit passer des examens complémentaires. Et lors de l’IRM (Imagerie à résonnance mononucléaire) un œdème discal fut détecté. L’IMG (Electromyogramme) révéla une polyneuropathie des membres inférieurs, étymologiquement, cela signifie mot pour mot « plusieurs maladies des nerfs ».
Le neurologue et le neurochirurgien furent clairs. Pour l’œdème discal, une opération était possible bien qu’il fut encore trop tôt.
La polyneuropathie ne dispose d’aucun traitement. Selon les médecins, les nerfs sont « abimés » et seules des séances de kinésithérapie peuvent m’aider.
Quelles sont les causes de cette maladie en ce qui me concerne ?
Il s’agit d’un cumul de trois facteurs : l’alcoolisme qui a duré une vingtaine d’années, le diabète et l’œdème discal.
Revoilà l’alcool et ses effets néfastes !! Des trois facteurs précédemment cités, il est difficile médicalement de faire la part des choses mais c’est l’alcoolisme qui m’apparaît comme le facteur déterminant.
Quels sont les effets de cette maladie et qu’elle en sera son évolution ?
Le neurologue m’a expliqué que nous avons des nerfs dits « moteurs » et d’autres dits « sensitifs » et les miens sont tous deux touchés.
Concernant les nerfs « moteurs », cela se concrétise par de fortes douleurs à la marche et une grosse fatigue. Cela diffère de la polynévrite où je ressentais de fortes crampes même allongé.
En ce qui concerne les nerfs « sensitifs », les effets se traduisent par de gros soucis d’équilibre. Je les connaissais déjà avant sans m’en être inquiété.
Il me faut désormais marcher à l’aide d’une canne et, selon les médecins, ma situation ne peut que se dégrader. C’est une nouvelle page de vie qui s’ouvre désormais. Je me suis résolu à solliciter une reconnaissance de handicap, auprès de la MDPH.
Encore et toujours, il va me falloir être fort psychologiquement. Je me retrouve sans travail à 60 ans avec pour seule compagnie… une canne !
Fort de mes souffrances passées. « Ce qui ne me tue pas me rend plus fort » disait Friedrich Nietzsche dans « Crépuscule des idoles », alors je garde le moral et je suis prêt à relever ce nouveau défi.
Réfléchissons
Je suis convaincu que ma situation démontre certains effets lents et destructeurs de l’alcoolisme. L’alcool est un produit qui, comme le diabète, travaille dans l’ombre.
J’entends beaucoup de gens dire « Moi, j’arrête de boire quand je veux ! ». Je leur dis « Tant mieux ». Pourtant, je reste sceptique car je disais la même chose et même s’il y a une part de vérité, les excès du passé rejaillissent souvent dans le futur. Le corps a une mémoire et quelle mémoire !!
A ce jour, je pense que c’est à moi de m’adapter, de changer de mode de vie et de trouver de nouvelles activités pour partager, aider, soutenir des personnes dans le besoin. La prévention trouve son utilité en se concrétisant par des actes. La parole est aussi un acte !
C’est le moment d’agir en écrivant pour vous, lecteurs.
Philippe Beauvois